Sommaire et contenu de Mini Dossier du CNHIM - mars 1998, n°1 :
TORSADES DE POINTES
Les torsades de pointes représentent une sorte de tachycardie ventriculaire polymorphe et non soutenue, identifiée par son aspect morphologique ondulant autour de la ligne iso-électrique.
Elles réalisent des accès tachycardiques rapides, de durée brève et se terminant spontanément, mais parfois récidivantes et durables, entraînant des syncopes, voire une mort subite.
Elles surviennent sur des anomalies de la repolarisation ventriculaire avec allongement de l’intervalle QT. Ces anomalies peuvent être la conséquence de syndromes congénitaux (syndromes de QT long congénitaux) ou de facteurs acquis dont les bradycardies paroxystiques, les déplétions potassiques, magnésiques et calciques, et les médicaments allongeant la repolarisation.
De nombreux médicaments sont susceptibles d’entraîner un allongement de l’intervalle QT (1).
Les classes médicamenteuses impliquées dans la description clinique des torsades de pointes sont :
1. Les antiarythmiques de classe Ia avec notamment les quinidiniques, mais aussi le dysopyramide, le procaïnamide, le bépridil.
Les antiarythmiques de classe III avec l’amiodarone et le sotalol sont plus rarement impliqués.
2. Les antiinfectieux avec l’érythromycine intraveineuse, la sparfloxacine et la pentamidine.
3. Les antihistaminiques avec la terfénadine et l’astémizole.
4. Les psychotropes neuroleptiques avec la thioridazine, la chlorpromazine, l’halopéridol, le dropéridol, le sultopride, le pimozide et les antidépresseurs imipraminiques.
5. Les antipaludéens avec la quinine, la chloroquine et l’halofantrine.
6. D’autres médicaments comme le diphémanil, l’amantadine et le cisapride (notamment chez le prématuré).
La prévention des torsades de pointes induites par des médicaments passe par un bon usage du médicament et par l’identification des facteurs de risques.
L’utilisation concommitante de deux médicaments pouvant induire des torsades de pointes ou l’association d’un de ces médicaments à un autre qui inhibe son métabolisme (en particulier interaction au niveau du cytochrome P450-3A4) augmente ce risque.
(1) Jaillon P, Dupuis B, Dahan R. Etudes électrophysiologiques pré-cliniques et cliniques en vue de la prédiction d’un effet proarythmique (torsade de pointes) iatrogène. Thérapie 1997 ; 52 : 271-80.
Les exemples de l’érythromycine intraveineuse et du cisapride sont traités ci-après.
Erythromycine intraveineuse
Des troubles du rythme cardiaque (allongement de l’espace QT, extrasystoles ventriculaires, bloc auriculo-ventriculaire, torsades de pointes) ont été décrits chez certains patients lors de l’administration IV d’érythromycine. Ces effets indésirables sont graves. (1) (2).
Ils ont été observés de façon exceptionnelle.
Le risque de cardiotoxicité du lactobionate d’érythromycine est majoré chez les patients atteints d’une maladie cardiovasculaire, d’insuffisance rénale ou hépatique sévère ou en cas d’administration rapide du médicament.
Le nouveau-né est également particulièrement vulnérable : des troubles du rythme cardiaque d’évolution fatale ont été signalés après plusieurs jours de traitement par érythromycine IV.
L’association de l’érythromycine à d’autres médicaments donnant des torsades de pointes est contre-indiquée : astémizole, bépridil, halofantrine, pentamidine, sultopride, terfénadine (n’est plus commercialisée), vincamine et antiarythmiques (amiodarone, brétylium, disopyramide, quinidiniques et sotalol).
Le risque de torsades de pointes est majoré en cas d’association avec le cisapride (diminution du métabolisme hépatique du cisapride par le macrolide).
En raison de la toxicité cardiaque potentielle du lactobionate d’érythromycine, il est recommandé de l’administrer en perfusion IV continue ou fractionnée en 4 prises par 24 heures. La durée d’administration de chaque perfusion doit être au minimum de 60 minutes.
La surveillance de l’électrocardiogramme est recommandée pendant la durée de la perfusion chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires.
L’allongement de l’espace QT nécessite l’arrêt de l’administration de l’érythromycine.
Chez les nouveau-nés de moins de 2 mois, l’utilisation du lactobionate d’érythromycine doit rester exceptionnelle et doit être réservée aux situations pour lesquelles il n’existe pas d’alternative thérapeutique. Il convient alors de tenir compte de l’immaturité hépatique observée dans les premières semaines de la vie pour déterminer la dose et le rythme d’administration.
(1) Martindale - The Extra Pharmacopoeia - 31th ed, The Pharmaceutical Press, London 1996 : 227.
(2) Rectificatif d’AMM 16/09/97.
Cisapride
Au cours de traitements par le cisapride, des allongements de l’espace QT ont été observés à l’électrocardiogramme. Ces allongements sont susceptibles d’entraîner des arythmies ventriculaires et des épisodes de torsades de pointes.
Ils peuvent être à l’origine de syncope et sont parfois mortels par arrêt cardiocirculatoire.
Le cisapride, par inhibition des canaux potassiques, induirait une prolongation de la repolarisation voisine de celle observée avec les antiarythmiques de classe III. (1).
De septembre 93 à avril 96, la FDA a recensé 34 cas de torsades de pointes et 23 cas d’allongements de l’espace QT chez des patients traités par cisapride. (2).
L’association du cisapride avec les médicaments suivants : macrolides (sauf spiramycine), fluconazole, kétoconazole, miconazole et itraconazole, est susceptible de majorer l’apparition de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsades de pointes. En effet, par leur action sur le cytochrome P450-3A4, les imidazolés et les macrolides ont un pouvoir inhibiteur sur le métabolisme du cisapride. Il en résulte une augmentation des concentrations plasmatiques de cisapride entraînant un allongement de l’espace QT.
Les facteurs favorisant l’apparition de ces troubles du rythme sont l’association avec des médicaments ayant une action sur le cytochrome P450-3A4, une insuffisance rénale, l’administration de fortes doses de cisapride. Les patients porteurs d’anomalies cardiaques préexistantes (arythmie) ou présentant un QT long congénital, ou ayant des troubles électrolytiques non corrigés (hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie), présentent un risque accru d’apparition de troubles du rythme.
Les troubles du rythme ont régressé à l’arrêt du cisapride. L’apparition de torsades de pointes nécessite d’instaurer un traitement adapté en unité de soins intensifs de cardiologie et d’effectuer une surveillance clinique et électrocardiographique jusqu’à normalisation de l’électrocardiogramme.
(1) Carlsson L et al. Electrophysiological Characterization of the Prokinetic Agents Cisapride and Mosapride in vivo and in vitro : implications for Proarrythmic Potential ? J Pharmacol Exp Ther 1997 ; 282 : 220-27.
(2) Wysowski DK et Bacsanyi J. Cisapride and fatal arythmia. N. Engl. J. Med. 1996 ; 335(4) : 290-91.
(IN)COMPATIBILITES
Les compatibilités et incompatibilités physicochimiques concernent les médicaments mélangés en solution (perfusion intraveineuse), au sein d’un même véhicule liquide (vecteur), dans un contenant particulier.
Deux substances ne peuvent être déclarées compatibles* que si l’expérimentation en a été faite dans des conditions opératoires définies.
* L.A. Trissel - Handbook on injectable drugs - 9th Ed.
1. FICHE COMPATIBILITE
Bupivacaïne
La dilution d’une solution de chlorhydrate de bupivacaïne (0,625 et 1,25 g/l) dans une solution de chlorure de sodium 0,9%, est visuellement compatible 72 heures à 24°C, sous lumière fluorescente et dans un contenant en PVC.
Il n’y a pas ou très peu de perte de médicament (dosage CLHP).
Réf : Christen C, Johnson CE, Walters JR. Stability of bupivacaïne hydrochloride and hydromorphone during simulated epidural coadministration. Am J Health-Syst Pharm 1996 ; 53 : 170-3.
Spécialités contenant du chlorhydrate anhydre de bupivacaïne : Bupivacaïne Aguettant® solution injectable ; Bupivacaïne Aguettant® adrénaline solution injectable ; Bupivacaïne Dakota® solution injectable ; Marcaïne® solution injectable ; Marcaïne® rachi solution injectable ; Marcaïne® adrénaline solution injectable.
En bref
Bupivacaïne chl : 0,625 et 1,25 g/l
Vecteur : chlorure de sodium 0,9%
Compatibles
Contenant : PVC
Nature : visuellement
Durée, délai : 72 heures
Température : 24°C
Lumière : fluorescente
2. FICHE COMPATIBILITE
Chlorhydrate de doxorubicine - amifostine
Le mélange des solutions de chlorhydrate de doxorubicine (2 mg/ml) et d’amifostine (10 mg/ml), diluée dans une solution de glucose 5 %, administrées à l’aide d’un système d’injection en Y, est physiquement compatible (pas de changement turbidimétrique ou d’augmentation du nombre de particules) pendant 4 heures, à 23° C.
Réf : Trissel LA, Martinez JF. Compatibility of amifostine with selected drugs during simulated Y-site administration. Am J Health-Syst Pharm 1995 ; 52 : 2208-2212.
Spécialités contenant du chlorhydrate de doxorubicine : Adriamycine® poudre lyophilisée et solution pour perfusion ; Adriblastine® poudre injectable à dissolution rapide pour perfusion ; Adriblastine® solution injectable ; Doxorubicine Dakota® poudre lyophilisée injectable.
Spécialité contenant de l’amifostine trihydrate : Ethyol® poudre lyophilisée injectable.
En bref
Doxorubicine chl : 2 m g/ml
Amifostine trihydrate : 10 mg/ml
Compatibles
Vecteur : glucose 5 %
Contenant : système d’injection en Y
Nature : physiquement
Durée, délai : 4 heures
Température : 23°C
Lumière : non renseigné
3. FICHE INCOMPATIBILITE
Altéplase - héparine sodique
Le mélange des solutions d’altéplase (0,5 g/l) et d’héparine sodique (40000UI/l), diluées dans une solution de chlorure de sodium 0,9%, est physiquement incompatible.
L’héparine interagit avec l’altéplase. Il apparaît une opalescence en 5 minutes, avec un maximum au bout de 4 heures à 25°C.
Il est noté une légère baisse de l’activité de l’altéplase.
Réf : Lam XM, Ward CA, de C de Mee CPR. Stability and activity of alteplase with injectable drugs commonly used in cardiac therapy. Am J Health-Syst Pharm 1995 ; 52 : 1904-9.
Spécialités contenant de l’altéplase : Actilyse® poudre et solution injectable ; Actilyse® IV poudre lyophilisée et solution injectable.
Spécialité contenant de l’héparine sodique : Héparine Choay® IV solution injectable ; Héparine Dakota Pharm® solution injectable ; Héparine Fournier® IV solution injectable ; Héparine sodique Biosédra® solution injectable ; Héparine sodique Dakota® solution injectable ; Héparine sodique Léo® solution injectable ; Héparine sodique Pan® solution injectable ; Héparine sodique PCH solution injectable ; Héparine Vitrum® IV solution injectable.
En bref
Altéplase : 0,5 g/l
Héparine sodique : 40000UI/l
Incompatibles
Vecteur : chlorure de sodium 0,9%
Contenant : PVC
Nature : opalescence
Durée, délai : 4 heures
Température : 25°C
Lumière : non renseigné
NOUVELLES INTERACTIONS
Les nouvelles interactions médicamenteuses (IAM) rapportées dans cette rubrique sont le fruit des travaux menés par le Groupe de travail "Interactions médicamenteuses" de l’Agence du Médicament, auquel participe notamment le Directeur du CNHIM. Ne sont retenues et validées que les interactions cliniquement significatives, c’est à dire susceptibles de provoquer ou de majorer des effets indésirables ou d’entraîner, par réduction de l’activité, des carences thérapeutiques. Le travail du groupe est fondé sur une sélection d’IAM établie à partir des données de la littérature internationale et de l’expérience pratique des utilisateurs. L’ensemble des IAM est périodiquement revu et complété en fonction de l’évolution des connaissances.
Simvastatine - mibéfradil
Il est contre-indiqué d’associer la simvastatine et le mibéfradil en raison du risque majoré d’effets indésirables à type de rhabdomyolyse.
Le mécanisme de cette interaction correspond à la diminution du métabolisme hépatique de la simvastatine par le mibéfradil qui est un puissant inhibiteur du CYP 3A4.
Réf : Groupe de travail "Interactions médicamenteuses" de l’Agence du Médicament. Relevé d’avis n°23 du 13/11/1997.
Spécialités contenant de la simvastatine : Lodales® comprimé enrobé ; Zocor® comprimé enrobé.
Spécialités contenant du chlorhydrate de mibéfradil : Posicor® comprimé (AMM procédure de reconnaissance mutuelle, en cours de commercialisation).
Inhibiteurs de l’angiotensine II - lithium
Il est déconseillé d’associer les inhibiteurs de l’angiotensine II (irbésartan, losartan potassique, valsartan) et le lithium, en raison de l’augmentation de la lithiémie qui peut atteindre des valeurs toxiques.
Cette interaction découle de ce qui est observé avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion dont les effets hémodynamiques sont comparables et dont le mécanisme d’action se situe en amont de celui des inhibiteurs de l’angiotensine II.
Le mécanisme de cette interaction correspondrait à la diminution de l’excrétion rénale du lithium.
Si l’usage d’un inhibiteur de l’angiotensine II est indispensable, il faut exercer une surveillance stricte de la lithiémie et adapter la posologie du lithium.
Réf : Blanche P. Eur J Clin Pharmacol 1997 ; 52 : 501.
Spécialités contenant des inhibiteurs de l’angiotensine II (irbésartan, losartan potassique, valsartan) : Aprovel® comprimé ; Cozaar® comprimé enrobé ; Hyzaar® comprimé ; Tareg® gélule.
Spécialités contenant du lithium et indiquées dans la psychose maniaco-dépressive : Neurolithium® solution buvable ampoule ; Téralithe® comprimé et LP comprimé.